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Ingela Strandberg
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» Ingela Strandberg
Du 1er au 19 octobre 2004

L'invitation lancée à Ingela Strandberg par la Maison de la Poésie de Nantes pour la manifestation "Midi/Mi-Nuit" a débouché sur une tournée dans toute la France pour présenter ses derniers poèmes et son livre paru aux éditions Agone en 1999 Le Royaume des bois d'élans.

Rennes - 1/3 octobre
Maison de la poésie de Rennes
Festival
Les bruits du monde
(avec les poètes Ana Luisa Amaral, Jean-Pascal Dubost, Israël Eliraz, Valérie Rouzeau, Ingela Strandberg, Habib Tengour, etc.
Lecture d'Ingela Strandberg (2 & 3 octobre)

Laval - 6 octobre
Librairie M'Lire
Ingela Strandberg

Angers - 7 octobre
Musée des Beaux arts
Association Chant des mots
Ingela Strandberg & Harry Martinson

Nantes - 9 octobre
Dans le cadre de « Midi/Mi-nuit »
16h - Lecture d'Ingela Strandberg
17h - Lecture d'Aniara de Harry Martinson
par Claude Aufaure et Christian Fournier.

18h - Table ronde avec Ingela Strandberg
et Philippe Bouquet animée par Samuel Autexier.
(Maison de la Poésie de Nantes)

La Rochelle - 11 octobre
Librairie Calligrammes
Ingela Strandberg & Harry Martinson

Montpellier - 15 octobre
Librairie Sauramps
Ingela Strandberg & Harry Martinson

Avignon - 16 octobre
Centre européen de Poésie d'Avignon
Ingela Strandberg & Harry Martinson

Nice - 19 octobre
Au Boogaloo bar (avec la librairie Massena)
Ingela Strandberg & Harry Martinson
(Tournée Maison de la Poésie de Nantes)


Renseignements :

Maison de la Poésie de Nantes
Téléphone : 02 40 69 22 32
Contact : Magali Brazil

Marginales
Téléphone : 06 81 98 80 49
Contact : Samuel Autexier

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Écrit à l'occasion d'une journée consacrée à Eyvind Johnson en octobre 2000 au Centre culturel suédois de Paris, ce texte d'Ingela Strandberg nous fait comprendre combien la littérature prolétarienne suédoise est partie prenante de l'horizon littéraire des écrivains suédois.

La voix secrète de la rosée

Mon père était menuisier. Il travaillait sur une petite voie ferrée. Il avait construit de ses mains notre maison et aussi une étable. Il avait fabriqué seul les meubles de la maison : la table, les chaises et les placards. Il jouait de l'accordéon et du violon. Il était silencieux. Ma mère s'occupait d'une petite exploitation. Quand je n'étais encore qu'un bébé, elle me posait dans la mangeoire de la vache la plus gentille pendant qu'elle s'affairait aux tâches quotidiennes. C'est peut-être la raison pour laquelle j'aime autant les vaches et me sens si bien dans cette odeur. Mon père rentrait du travail tous les soirs à huit heures. Et, en période de moisson, il sortait immédiatement le tracteur ou les autres engins et allait dans les champs. Souvent la rosée tombait sur nous, fraîche et douce comme une voix réconfortante venue des profondeurs inconnues.

Je n'avais jamais compris que j'appartenais à une classe. Les premières années d'école, j'étais très amie avec les filles du pasteur et du propriétaire foncier. Le pasteur avait un long par-dessus noir et un drôle de petit col. Le propriétaire foncier portait un manteau à carreaux et s'asseyait dans un fauteuil en cuir rembourré que je lui enviais. Mais ce qui me faisait le plus envie, c'était le piano carré sur lequel je jouais toujours quand je venais. Cet instrument de musique avait un son incroyable dont les notes me berçaient et me renvoyaient à un monde qui ressemblait à celui de la voix secrète de la rosée. Je n'avais jamais compris pourquoi les adultes et les enfants cherchaient à s'attirer les faveurs du pasteur et du propriétaire foncier ainsi que de leurs filles. Je m'interrogeais - en haussant les épaules. Mon unique soeur était de dix-huit ans mon aînée. Elle était journaliste. Mes parents (l'exploitante agricole et le menuisier) l'avaient poussée à faire des études avec les enfants des classes moyennes et supérieures. Cela avait fait scandale dans la famille et dans le voisinage ! Qui croyions-nous être ? Quel orgueil maladif avait donc frappé mes parents ?

Ce n'est qu'à quarante ans que j'ai compris que j'appartenais à une classe sociale. "Liberté" était un mot important, et que l'on connaissait bien dans la maison familiale, mais je ne l'avais jamais associé à la politique. À l'adolescence, quand j'ai commencé à lire Stig Dagerman et Jean-Paul Sartre, j'ai compris que le monde était prisonnier d'un système humain, mais j'étais trop occupée par la voix réconfortante de la rosée pour pouvoir m'engager politiquement. À la fin des années 60, je me suis retrouvée mère célibataire d'un enfant que j'avais réellement désiré. Dans une solitude que j'avais choisie. Je savais que je ne serais plus seule quand j'aurais mon enfant. Il me faudrait seulement subvenir à nos besoins, le reste s'arrangerait bien... Et cela aussi s'est arrangé, sans l'intervention de la société. Mais je me souviens encore de la femme de la sécurité sociale qui m'a demandée : "Avez-vous vécu avec le père ?" Et de ma réponse : "Oui, une nuit." J'étais donc politiquement vierge, politiquement ignare, si l'on veut.

Plus tard, bien plus tard, quand cette injure a pris un autre sens, je suis devenue ce que je suis aujourd'hui : une anarchiste pessimiste. Je suis restée sur le bas-côté à regarder mes soi-disant camarades intellectuels des années 60 - dont certains n'ont jamais vu un travailleur autrement qu'en photo, devenir de bons bourgeois repus et prétentieux - qui discutent les fonds de placements et les actions. Je vois mon père devant moi : La casquette ornée des ailes brillantes de l'insigne des chemins de fer, la fatigue dans le regard. Je vois le dynamisme, la fierté dans les gestes de ma mère. Un jour, l'inégalité fera exploser le monde. Je serais alors devenue rosée depuis longtemps.

Ingela Strandberg
Traduit du suédois par Virginie Büschel

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