Marginales

Revue de littérature et de critique sociale

© Samuel – juin 2021


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Protestation devant les lecteurs d’Agone sur les capitulations altercapitalistes du patron, de ses directeurs et autres professeurs de mauvaise foi !

jeudi 26 septembre 2013, par Samuel

Un pastiche en guise de droit de réponse au communiqué des flics de la pensée...

à Hélyette Bess,

Je suis l’un de ceux qui ont été délivrés de l’entreprise altercapitaliste Agone, sinistre boîte élevée par la réaction pour enterrer vivante la pensée, qui parce qu’elle était libre, ne s’est jamais soumise aux lois iniques du commerce que dictèrent les patrons contre les ouvriers. Ils m’ont fait signé comme tant d’autres les PV d’assemblée générale puis m’ont "demandé de partir volontairement" sans prendre la peine de me signifier mes droits !

J’étais jeune puisque j’ai travaillé longtemps pour l’Entreprise de la rue des Héros avant d’en être libéré par les anarchistes. Sept années soumis au supplice de ne pas être libre de penser par moi-même, d’être la chose du patron, d’être un petit soldat de cette association de directeurs et de professeurs qui se prend pour une Entreprise...

Avec moi sortirent beaucoup de femmes et d’hommes, qui en avaient autant enduré, qui étaient marqués par les mauvais traitements subis rue des Héros. Certains, dès qu’ils ont foulé le pavé de la rue, s’en sont allés par le monde ; et les autres, nous nous réunîmes avec nos libérateurs, qui nous traitèrent en amis et nous aimèrent en frères. Avec eux, peu à peu, nous avons formé « la Colonne de Fer » ; avec eux, à grands pas, nous avons donné l’assaut à cette boîte et fait rendre les armes à de redoutables gardes chiourmes. Et nous nous sommes nourris pour un temps de ce que nous offraient les paysans, et nous nous sommes armés sans que personne ne nous fît le cadeau d’une arme, avec ce que nous avions ôté, par la force de nos bras, aux universitaires.

Personne, ou presque personne n’a jamais eu d’égards pour nous. La stupéfaction des bourgeois, en nous voyant quitter cette boîte, n’a pas cessé et s’est même étendue à tout le monde, jusqu’en ce moment ; de sorte qu’au lieu de nous prendre en considération et de nous aider, de nous soutenir, on nous a traités de bandits, on nous a accusés d’être des incontrôlés : parce que nous ne soumettons pas le rythme de notre vie, que nous avons voulue et voulons libre, aux stupides caprices de quelques-uns qui se sont considérés, bêtement et orgueilleusement, comme les propriétaires des hommes dès qu’ils se sont vus dans un ministère ou un comité ; et parce que, dans les villages où nous sommes passés, après en avoir arraché la possession aux fascistes, nous en avons changé le système de vie, annihilant les féroces « caciques » qui tourmentaient toute l’existence des paysans après les avoir volés, et remettant la richesse aux mains des seuls qui surent la créer, aux mains des travailleurs.

Pourquoi cette légende noire que l’on a tissée autour de nous ? Pourquoi cet acharnement insensé à nous discréditer alors que notre discrédit, qui n’est pas possible, ne ferait que porter préjudice à la cause révolutionnaire, et à la guerre même ?

Il y a - nous, les hommes du bagne, qui avons souffert plus que personne sur la terre, nous le savons bien -, il y a, dis-je, dans l’atmosphère un extrême embourgeoisement. Le bourgeois d’âme et de corps, qui est tout ce qu’il y a de médiocre et de servile, tremble à l’idée de perdre sa tranquillité, son cigare et son café, ses taureaux, son théâtre et ses relations prostituées ; et quand il entendait dire quelque chose de la Colonne, de cette Colonne de Fer, le soutien de la révolution dans ces terres du Levant, ou quand il apprenait que la Colonne annonçait sa descente sur Marseille, il tremblait comme une feuille en pensant que ceux de la Colonne allaient l’arracher à sa vie de plaisirs misérables. Et le bourgeois - il y a des bourgeois de différentes classes et dans beaucoup de positions - tissait, sans répit, avec les fils de la calomnie, la noire légende dont il nous a gratifiés ; parce que c’est au bourgeois, et seulement au bourgeois, qu’ont pu et peuvent encore nuire nos activités, nos révoltes, et ces désirs irrépressibles qui emportent follement nos coeurs, désirs d’être libres comme les aigles sur les plus hautes cimes ou comme les lions au plus profond des forêts.

Même des frères, ceux qui ont souffert avec nous dans les champs et les ateliers, ceux qui ont été indignement exploités par la bourgeoisie, se firent l’écho des terribles craintes de celle-ci, et en arrivèrent à croire, parce que certains, trouvant leur intérêt à être des chefs le leur dirent, que nous, les hommes qui luttions dans la Colonne de Fer, nous étions des bandits et des gens sans âme ; de sorte qu’une haine, qui en est maintes fois arrivée à la cruauté et au fanatisme meurtrier, sema de pierres notre chemin, pour entraver notre avance contre le fascisme.

Notre résistance actuelle se fonde sur ce que nous connaissons actuellement des patrons.

Le patron a constitué, maintenant comme toujours, ici comme ailleurs, une caste. C’est elle qui commande ; aux autres, il ne doit rester rien de plus que l’obligation d’obéir. Le patron hait de toutes ses forces, et d’autant plus s’il s’agit d’un frère, celui qu’il croit son inférieur.

J’ai moi-même vu - je regarde toujours les yeux des hommes - un directeur éditorial trembler de rage ou de dégoût quand, m’adressant à lui, je l’ai tutoyé, et je connais des exemples, d’aujourd’hui, d’aujourd’hui même, des directeurs qui s’appellent professeurs, dans lesquels les directeurs du patron, qui a oublié ses humbles origines, ne peut permettre - contre ceci il y a de sévères punitions - qu’un militant les tutoie.

L’Armée « des professeurs » ne demande pas une discipline qui pourrait être, somme toute, l’exécution des ordres de guerre ; elle demande la soumission, l’obéissance aveugle, l’anéantissement de la personnalité de l’homme.

La même chose, la même chose que lorsque hier j’étais à la caserne. La même chose, la même chose que lorsque plus tard j’étais au bagne.

Nous, dans les tranchées, nous vivions heureux. Certes, nous voyons tomber à côté de nous les camarades qui commencèrent avec nous cette guerre ; nous savons, de plus, qu’à tout instant une balle peut nous laisser étendus en plein champ - c’est la récompense qu’attend le révolutionnaire - ; mais nous vivions heureux. Nous mangions quand il y avait de quoi ; quand les vivres manquaient, nous jeûnions. Et tous contents. Pourquoi ? Parce que personne n’était supérieur à personne. Tous amis, tous camarades, tous militants de la Révolution.

Le délégué de groupe ou de centurie ne nous était pas imposé, mais il était élu par nous-mêmes, et il ne se sentait pas directeur ou secrétaire, mais camarade. Les délégués des comités de la Colonne ne furent jamais patrons ou directeur, mais camarades. Nous mangions ensemble, combattions ensemble, riions ou maudissions ensemble. Nous n’avons eu aucune solde pendant longtemps, et eux non plus n’eurent plus rien. Et puis nous avons touché dix francs, ils ont touché et ils touchent dix francs.

La seule chose que nous considérons, c’est leur capacité éprouvée, et c’est pour cela que nous les choisissons ; pour autant que leur valeur était confirmée, ils furent nos délégués. Il n’y a pas de hiérarchies, il n’y a pas de supériorités, il n’y a pas d’ordres sévères : il y a la sympathie, l’affection, la camaraderie ; vie heureuse au milieu des désastres de la guerre. Et ainsi, entre camarades, se disant que l’on combat à cause de quelque chose et pour quelque chose, la guerre plaît, et l’on va jusqu’à accepter avec plaisir la mort. Mais quand tu te retrouves chez les professeurs, là où tout n’est qu’ordres et hiérarchies ; quand tu vois dans ta main la triste solde avec laquelle tu peux à peine soutenir la famille que tu as laissée derrière toi, et quand tu vois que les directeurs, les secrétaires, le patron, empochent trois, quatre, dix fois plus que toi, bien qu’ils n’aient ni plus d’enthousiasme, ni plus de connaissances, ni plus de bravoure que toi, la vie te devient amère, parce que tu vois bien que cela, ce n’est pas la Révolution, mais la façon dont un petit nombre tire profit d’une situation malheureuse, ce qui ne tourne qu’au détriment du peuple.

Je ne sais pas comment nous vivrons désormais. Je ne sais pas si nous pourrons nous habituer à entendre les paroles blessantes d’un secrétaire, d’un professeur ou d’un directeur. Je ne sais pas si, après nous être sentis pleinement des hommes, nous pourrons accepter d’être des animaux domestiques, car c’est à cela que conduit la discipline et c’est cela que représente la militarisation.

Il est sûr que nous ne le pourrons pas, il nous sera totalement impossible d’accepter le despotisme et les mauvais traitements, parce qu’il faudrait n’être guère un homme pour, ayant une arme dans la main, endurer paisiblement l’insulte ; pourtant nous avons des exemples inquiétants à propos de camarades qui, en étant militarisés, en sont arrivés à subir, comme une dalle de plomb, le poids des ordres qui émanent de gens le plus souvent ineptes, et toujours hostiles.

Nous croyions que nous étions en marche pour nous affranchir, pour nous sauver, et nous allons tombant dans cela même que nous combattons : dans le despotisme, dans le pouvoir des castes, dans l’autoritarisme le plus brutal et le plus aliénant.

Un incontrôlé

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